Actualité en Afrique :
Analyses de la rédaction :
1. Russie-Ukraine : l’Union africaine a-t-elle un rôle à jouer ?
Alors que son président, Macky Sall, souhaite « porter la voix de l’Afrique » sur la scène internationale et également dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’Union africaine a mis en place une « task force » chargée de limiter les effets du conflit.
C’était le 20 juin dernier. Alors que le conflit entre l’Ukraine et la Russie avait débuté quatre mois plus tôt, le président ukrainien Volodymyr Zelensky était apparu en visioconférence devant les présidents de l’Union africaine pour une opération séduction qui avait pour but de faire venir des soldats africains en Ukraine pour les utiliser comme chair à canon contre la Russie, comme pour les précédentes guerres mondiales, mais également, d’empêcher les pays africains de pactiser avec Moscou.
Il leur disait que : « Les Russes se servent de vous ! », avant de dire que « l’Afrique est l’otage de ceux qui ont déclenché la guerre contre l’Ukraine » etc... Zelensky, avec ses talents de comédien que l’on connait, avait alors tenté de jouer sur la corde sensible en affirmant que : « Cette guerre peut sembler très lointaine pour vous et vos pays. Mais les prix des denrées alimentaires qui augmentent de manière catastrophique ont déjà amené la guerre dans les foyers de millions de familles africaines ».
Un peu plus tôt, le président de l’Union africaine (UA) Macky Sall s’était rendu à Moscou, où il avait rencontré Vladimir Poutine. Au cœur des discussions entre les deux hommes, il avait notamment été question de la pénurie de céréales sur le continent. Le chef de l’État sénégalais en avait profité pour rappeler la position de l’UA : « Nous voulons la paix, nous travaillons pour qu’il y ait un cessez-le-feu. C’est ça la position africaine ». Macky Sall avait par ailleurs, à l’époque, affirmé avoir été « mandaté par d’autres chefs d’État africains » dans sa mission diplomatique à Moscou et Kiev.
Une mission qui n’a pas encore porté ses fruits. À l’heure où l’Afrique subit expressément un chantage américain, Washington ayant indiqué clairement aux pays africains que les États-Unis refusent tout engagement sur le long terme avec la Russie et comptent sanctionner les pays africains qui soutiendraient la Russie ou encore, qui adopteraient la posture de neutralité.
Or, selon Africa Intelligence, l’Union africaine vient de décider de mobiliser une « task force » Ukraine-Russie. Le quotidien français assure que l’objectif est de réfléchir aux répercussions en Afrique de la guerre en Ukraine, « notamment de son impact sur le marché des matières premières agricoles et de l’énergie ». L’équipe de l’UA aura la charge « de réunir des informations et d’agir pour limiter les effets du conflit ».
Alors que l’Afrique se bat pour faire entendre sa voix sur la scène internationale et pour que les pays occidentaux arrêtent de lui imposer la ligne à suivre, de plus en plus de dirigeants africains remettent les pendules à l’heure et n’hésite plus à dénoncer les inégalités que subit constamment l’Afrique et son peuple à travers le monde.
Exemple récent, arrivé en France lundi pour son tête-à-tête avec le président français Emmanuel Macron, Nana Akufo-Addo a adressé un message à ses homologues du G20.
« Le sommet pour l’adaptation avait pour mission de mobiliser 25 milliards de dollars d’ici à 2025. C’est beaucoup, certes, mais c’est dérisoire. Eh bien, si dérisoire que cela soit, alors que les pays du G20 sont responsables de 80% des émissions, l’Afrique est repartie de Rotterdam avec des promesses d’engagement à hauteur de 55 000 000 de dollars. En dehors de l’engagement de la Banque africaine de développement de mobiliser 12,5 milliards. Vous avez bien entendu : 55 000 000 pour 54 pays. Cela n’est pas juste, cela n’est pas équitable. Appliquer le principe d’équité, ce n’est pas donner. C’est refuser de prendre un avantage qui ne vous appartient pas. Cela n’a rien à voir avec la charité », affirme Nana Akufo-Addo. Est-ce l’une des punitions administrées par les États-Unis et l’Europe ?
En effet, l’Afrique est le continent qui émet le moins de CO2 soit 4 %, mais paye le plus lourd tribut. Inondations, sécheresse, des millions de familles souffrent chaque année des perturbations écologiques, suite à la présence des nombreuses multinationales occidentales sur le continent africain. Allez-vous me dire que l’exploitation de l’uranium notamment au Niger par la France n’a aucun impact sur l’environnement ? Les nombreuses plateformes pétrolières par les géants pétroliers comme Total, BP, ExxonMobil, ENI, etc...notamment dans les eaux du golfe de Guinée n’ont aucun impact sur l’environnement ? Et comment ça se passe au niveau des exploitations d’or, de cobalt, de bauxite, etc...?
L’hypocrisie a des limites et pour l’Afrique, cette limite a été dépassée depuis belle lurette !
2. Haïti : « non à l’invasion impérialiste ! »
Après l’assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse il y a un an, Washington a cru pouvoir reprendre les rênes de l’île, mais c’est peine perdue. Les Haïtiens veulent leur souveraineté !
Depuis plusieurs semaines, l'île est traversée par d’importantes manifestations qui demandent la démission du Premier ministre Ariel Henry. Celui-ci, perçu comme étant un véritable pantin des États-Unis dans l’île, a fait appel à une intervention étrangère pour réprimer la mobilisation.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a présenté dimanche une lettre au Conseil de sécurité proposant l’activation immédiate d’une « force d’action rapide » après une demande d’aide du président haïtien Ariel Henry, décision soutenue par le Core Group (une ONG dirigée par les Etats-Unis, la France et le Canada, présente dans le pays depuis 2010). Un dispositif invoqué pour aider la Police nationale haïtienne et qui ouvre la possibilité d’appeler à une intervention militaire directe de la part d’Etats « alliés » de Haïti pour rétablir « l’ordre ».
Issue d’une demande directe de Ariel Henry, cette intervention des puissances impérialistes aurait avant tout pour objectif de protéger le gouvernement et la classe dominante avec comme principal argument la multiplication de gangs et de bandes armées. Si l’existence de ces gangs est indéniable ce que l’ONU et Ariel Henry ne disent pas, c’est qu’ils ont grandi et se sont notamment renforcés avec l’aide des forces répressives, d’hommes d’affaires et de la caste politique dans le contexte de l’occupation militaire internationale. L’ONU et le Premier ministre désignent par ailleurs comme des « gangs », les organisations syndicales et les manifestations qui traversent le pays depuis le 11 septembre dernier et les tiennent responsables de la déstabilisation du pays.
Le 11 septembre dernier, le gouvernement d’Ariel Henry (venu succéder à Jovenel Moïse, assassiné en 2021) annonçait une hausse brutale des prix du carburant, alors que l’île connaît une inflation de près de 30%. Cette décision avait ouvert la voie à des manifestations massives dans le pays qui durent depuis près d’un mois. Ces manifestations, qui ont lieu centralement à Carrefour, Gonaïve, Jacmel, Okap et Petite-Gôave ont aussi atteint Port-au-Prince et ont été accompagnées de grèves importantes comme celles des 26 et 28 septembre derniers. La décision d’augmenter les coûts de l’essence est d’autant plus brutale que le pays est largement dépendant, depuis les tremblements de terre de 2010 et 2021, de générateurs électriques.
Depuis 2018 au moins, le pays est régulièrement paralysé par des grèves et des manifestations massives qui vont bien au-delà du coût de l’essence. Parmi les revendications, on retrouve notamment la fin de l’ingérence des États-Unis et des autres puissances impérialistes et, depuis quelques mois, la démission du Premier ministre Ariel Henry, non élu, corrompu et pion des États-Unis.
Alors que les États-Unis et le Canada ont annoncé la possibilité de prendre le commandement d’une opération extérieure, de nombreuses manifestations ont traversé le pays pour s’opposer à cette intervention militaire étrangère. Le seul objectif d’une intervention militaire serait le même que ceux de toutes les opérations militaires et économiques antérieures au sein de l’île de la part des pays impérialistes : le maintien du contrôle impérialiste de l’île ainsi que d’une classe dominante nationale fantoche aux pieds des gouvernements occidentaux.
Au cours du 21e siècle, les États-Unis et la France ont orchestré un coup d’État militaire contre le premier président démocratiquement élu du pays. Suite à cela, les Nations Unies ont établi le programme de la MINUSTAH officiellement pour ramener la stabilité en Haïti. En réalité, il s’agissait d’une occupation militaire qui s’est déroulée de 2007 à 2014 et a soumis le peuple haïtien à des crimes obscènes, dont des centaines de cas d’abus sexuels contre des enfants. Il convient de noter que de nombreux gouvernements dits de la « marée rose » en Amérique latine, revendiqués par la gauche réformiste, étaient à l’avant-garde de cette occupation.
Les Haïtiens ont montré à maintes reprises qu’ils sont prêts à se battre pour leurs revendications économiques et l’émancipation du joug impérialiste. Aucune intervention des impérialistes dans le pays, pas même les soi-disant interventions humanitaires qui ont suivi les tremblements de terre de 2010 et 2021 n’ont eu pour autre objectif que de maintenir le pays sous la domination des pays occidentaux. L’ensemble du mouvement ouvrier des pays occidentaux responsables des ingérences doit se saisir de la lutte du peuple haïtien et s’opposer à l’intervention des gouvernements impérialistes !
3. Burkina Faso : les Occidentaux en panique !
Alors qu’il est toujours trop tôt à pouvoir déterminer l’orientation que privilégieront les nouvelles autorités burkinabés, l’inquiétude grandit au sein des cercles occidentaux. Après les échecs subis dans de nombreux pays africains, le Burkina Faso risque de devenir la goutte de trop pour un establishment occidental largement rejeté en Afrique.
Des inquiétudes et diverses interprétations de Paris jusqu’aux pressions et mises en garde de Washington, décriées par les experts africains, la tendance semble aller assez clairement en direction de nouveaux défis pour l’establishment occidental.
Après les échecs au Burundi, en Centrafrique, en Ethiopie ou plus récemment au Mali – le processus de la chute d’influence non plus seulement du système françafricain, mais plus globalement occidental, ne semble pas pouvoir être stoppé en Afrique. Et si bien même que Washington a tenté de surfer sur la vague panafricaine, en utilisant des éléments qui reprenaient le discours anti-français tout en promouvant la ligne pro-étasunienne, en d’autres termes en poignardant son propre allié, aujourd’hui lui aussi doit se rendre à l’évidence d’être largement rejeté, au même titre que Paris.
D’où les nouvelles menaces et mises en gardes, notamment à destination des nouvelles autorités burkinabés. Le seul souci pour les élites atlantistes, c’est qu’elles oublient une fois de plus que dans la réalité contemporaine, elles n’ont plus seulement en face des leaders de plus en plus à l’écoute de leurs populations, mais justement ces mêmes populations – déterminées à en découdre une bonne fois pour toutes avec le système néocolonial occidental sur leur sol.
Les élites occidentales, dans l’extrême arrogance et sentiment de prétendue supériorité qui les caractérisent, pensent fortement à tort que leurs assassinats des grands leaders panafricains, dont Patrice Lumumba, Thomas Sankara, plus récemment Mouammar Kadhafi, et bien d’autres encore – ont été oubliés dans la mémoire collective africaine. Il n’en est rien.
Au contraire et plus que jamais des millions et des millions d’Africains reprennent le flambeau des leaders tombés. L’Occident avait beau tenter détruire, humilier leur mémoire – rien n’y fait, c’est le retour des flammes à l’envoyeur. Et rien ne semble être en mesure non seulement à éteindre lesdites flammes, mais même ne serait-ce qu’à faire baisser leur intensité.
Dans cette perspective, les nouvelles agitations, menaces, intimidations occidentales ont vraisemblablement le mérite d’augmenter la puissance du feu dans lequel brûlent leurs projets malsains pour le continent africain. Faibles en analyse des peuples non-occidentaux, peut-être par manque de capacité intellectuelle, mais surtout car étant incapables de se défaire de la posture néocoloniale ancrée en eux depuis des siècles, Washington, Londres comme Paris continueront à cueillir les «fruits» de leur politique.
Encore une fois et quels que soient les futurs choix stratégiques de Ouagadougou, les autorités nationales ne pourront rester sourds aux appels de la population du pays. Les mobilisations populaires ne sont pas prêtes à s’arrêter et la vague panafricaniste continuera à balayer l’arrogance occidentale. Et si aujourd’hui en Ukraine se déroule le combat contre les derniers vestiges de l’unipolarité atlantiste, c’est notamment en Afrique que se jouera très certainement l’avenir du monde multipolaire post-occidental.